La cape du libérateur
L’objet recensé sous le numéro d’inventaire 96/119/P de la collection du musée Wellington est un vêtement. Il s’agit plus précisément d’une cape, qui a été portée par le Duc de Wellington lors de la Guerre d’Indépendance Espagnole (1808-1814)[1]. Le musée compte cette cape dans sa collection depuis les années 80. Elle est exposée juste avant la salle Wellington, dans la même vitrine qu’un sabre mamelouk (96/377/P).
[1] Guerre d’Indépendance Espagnole : campagne qui se déroula entre 1808 et 1814, les Anglais s’opposant aux Français venus profiter de l’instabilité politique en Espagne pour y assoir leur régime.
Le vêtement en question
Faite de laine blanche, la cape, produite en 1805, est fermée par des boutons ronds recouverts de la même matière. Les épaules de l’habit sont drapées d’un capulet surélevé d’un col montant. Celui-ci est fermé par deux broches identiques en or où sont gravées des feuilles de palmier. Une sorte de sous-veste constitue une deuxième couche à l’intérieur de la cape. Deux floches brodées de fils argentés venaient décorer le tout. Elles sont maintenant posées dans la vitrine sous la cape.
La cape d’un duc
Le duc de Wellington est le personnage autour duquel se centre le musée. De son nom complet Arthur Wellesley (1769-1852), il fut un important personnage britannique, tant sur le plan militaire que politique. En tant que général, il s’opposera aux troupes impériales françaises jusqu’à défaire Napoléon en 1815 à Waterloo. Il deviendra le premier ministre de la Grande Bretagne en 1828 et sera le principal représentant du parti politique des Tory, les conservateurs.
Wellington n’apparait pas du tout avec cette cape dans l’iconographie et ce vêtement n’est pas non plus mentionné comme porté par lui dans la littérature scientifique[1]. Il faut maintenant s’intéresser aux faits qui auraient pu expliquer qu’il ait porté cette cape. Dans l’iconographie, sa représentation la plus connue est son portrait où il apparait avec un uniforme militaire écarlate, sous le pinceau du peintre Thomas Lawrence (1769-1830). Cette apparence avec cette tenue sera ensuite majoritairement utilisée par les artistes pour représenter le duc. Cette veste était l’habit traditionnel de l’armée britannique depuis 1704 et vaudra à leur corps militaire le sobriquet de « tuniques rouges ». Il est donc logique qu’un des commandants de cette armée la porte.
[2] Par exemple, Gil Novales ne la mentionne pas dans son article « Foreign military command and early nationalism in Spain during the Peninsular War qui concerne les actions politiques du Duc durant la guerre, tout comme Charles Esdaile dans son article « « Par-delà les monts et dans le lointain » : l’armée britannique dans la péninsule ibérique (1808-1814) », qui consacre pourtant une certaine proportion de sa rédaction aux uniformes et aux tenues de combat des différents protagonistes.
Une autre tenue
fréquemment représentée par Wellesley dans différentes représentations consiste
en une veste à capulet, comme l’objet présenté ici. Néanmoins les artistes la
représentent souvent en noire, comme vu dans la gravure « What will they
say of this in England » réalisée par Gilbert Whitehead ou dans la gravure
de « La rencontre entre Wellington et Blücher après la bataille de
Waterloo » par Daniel Maclise. Elle est plus facilement observable sur le
portrait à cheval du duc et de son destrier Copenhaguen, grâce aux traits de
crayon de Thomas Lawrence. Très similaire à l’objet présenté dans cet article,
le vêtement se compose d’une tunique de corps qui se ferme par de gros boutons
circulaires ainsi que d’un capulet couvrant les épaules et surélevé d’un col
monté. Ce genre de vêtement, représenté sur Wellesley tant de fois, était sans
doute fréquemment porté par le duc. Mais alors d’où vient cette version blanche
de l’habit qu’il portait pourtant en noir sur le champ de bataille de Waterloo ?
Wellington et l’Espagne
La cape blanche date de la Campagne d’Espagne, qui dura de 1808 à 1814. Arthur Wellesley (il ne deviendra duc qu’en 1814) y intervint à partir de 1809. Menant une armée constituée de troupes anglaises et portugaises, il entra en Espagne dans le but de la libérer de l’occupation française. Il commença par capturer quelques forteresses ennemies en 1811[1]. Ces réussites eurent pour effet de faire fuir Joseph Bonaparte. Wellesley entra dans la ville de Madrid avec ses troupes le 12 août 1812. Il fut considéré comme un héros par la population après ses victoires contre l’occupant français. Par ses actions, la liberté de l’Espagne était désormais garantie par la Grande Bretagne. Le futur duc deviendra même à cette occasion un membre à part entière du gouvernement et de l’armée espagnole pour assurer la nouvelle stabilité politique du pays. Wellesley restera dans la péninsule jusqu’en 1814 pour s’assurer de celle-ci.
La question maintenant est de savoir ce qui explique qu’il ait pu porté une cape à capulet de couleur blanche alors qu’il en portait habituellement des noires. Il faut savoir que l’Espagne est un pays où le soleil est très agressif et que les couleurs plus sombres en absorbent plus les rayons. Porter du blanc était un moyen de se prémunir de ces désavantages. Il est donc probable que Wellington ait fait produire ce vêtement en blanc pour lutter contre la chaleur espagnole durant sa campagne.
Le témoin d’une guerre
Cette cape blanche, devant laquelle vous passerez peut-être en visitant le musée, a donc vécu cette importante Guerre d’Indépendance Espagnole. C’est un témoin textile de l’histoire du Duc de Wellington. Beaucoup d’objets du musée sont témoins des batailles et des évènements qu’il a mené et qui ont constitué le commencement de l’époque contemporaine en Europe.
Jérémy Gallis, stagiaire de Mr Quentin Debbaudt
Bibliographie
- Arthur Wellesley duc de Wellington (1769-1852) dans BnF Data, <https://data.bnf.fr/fr/11887871/arthur_wellesley_duc_de_wellington/>, consulté le 05/04/2024.
- DAVIN Dos Santos Damien, Aux origines de la guerre de la péninsule (1808-1814) : entre incompréhensions et enjeux politiques dans La Revue, 2023, vol. 2 n°46, p. 99-122.
- ESDAILE Charles, « Par-delà les monts et dans le lointain » : l’armée britannique dans la péninsule ibérique (1808-1814) dans Annales historiques de la Révolution française, 2004, vol. 2 n°336.
- ESDAILE Charles, The Duke of Wellington and the Spanish Revolution dans WOOGLAR C. (éd.), Wellington Studies II, Southampton, Harley Institute University of Southampton, 1999, p. 163-187.
- NOVALES Gil, Foreign military command and early nationalism in Spain during the Peninsular War dans WOOGLAR M. C. (éd.), Wellington Studies II, Southampton, Harley Institute Univeristy of Southampton, 1999, p. 143-162.
- MACLISE Daniel, La rencontre entre Wellington et Blücher après la bataille de Waterloo, 1861.
- LAWRENCE Thomas, Arthur Wellesley, the first Duke of Wellington, 1816.
- LAWRENCE Thomas, Le duc de Wellington chevauchant Copenhaguen, 1830.
- WHITEHEAD Gilbert, What they will say of this in England ?, 1903.
[1] Les forteresses de Ciudad Rodrigo et de Badajoz, plus précisément.