Hougoumont Luministe

Dans le cadre de la nouvelle scénographie du musée Wellington, nous intégrons diverses visions artistiques dépassant le cadre d’une interprétation académiste du patrimoine du champ de bataille.

Ainsi, plusieurs œuvres au traitement moderne orneront les murs du musée afin de donner une interprétation actualisée de l’impact de notre patrimoine sur l’art.

Dans cette perspective, le musée a acquis plusieurs œuvres représentant des courants modernes dont l’œuvre « la ferme d’Hougoumont » signée par Léopold De Moor et datée de 1920.

 

Léopold De Moor, la ferme d’Hougoumont, Waterloo, musée Wellington, 20/031/a

L’œuvre est une peinture à l’huile sur bois qui nous présente l’intérieur de la ferme d’Hougoumont qui fut l’objet de terribles combats, le 18 juin 1815. Cette vue, fut souvent représentée par les artistes parcourant le champ de bataille. Ainsi, la collection du musée Wellington possède 51 représentations de la ferme d’Hougoumont.

Ce qui rend notable cette peinture n’est donc pas son sujet mais bien la manière dont le sujet est a été traité par une technique moderniste. L’artiste ne cherche pas vraiment à présenter de manière nette la ferme d’Hougoumont mais se sert de ce sujet pour une expérience luministe. C’est à l’aide de touches énergiques et présentant un certain empattement que De Moor fixe la lumière d’une journée sur le champ de bataille pour la postérité.

Nous ne devons donc pas attendre de l’artiste une œuvre documentaire mais plutôt une expérience artistique qui donne une nouvelle résonnance au patrimoine bâti de notre « lumineuse plaine ».

Léopold De Moor est un artiste belge ayant vécu entre 1876 et 1966. Nous savons très peu de choses sur sa biographie mais son œuvre est relativement fournie puisque le site artprice recense 14 mises en vente entre 1999 et 2009. Ces œuvres sont à l’image des luministes et se composent de représentations de paysages brabançons ou marins travaillés par le prisme de la sensation lumineuse.

Il semble que l’artiste bien qu’influencé par le groupe d’artiste « Vie et lumière » fondé en 1904 sous l’impulsion d’Emile Claus, de George Morren et d’Adrien-Joseph Heymans n’en fut pas membre. Réalisant son œuvre dans les années 1920, De Moor peut être qualifié de luministe tardif.

Ce courant est une interprétation belge du néo-impressionnisme. L’art moderne nait véritablement avec l’impressionnisme sous l’impulsion de Claude Monet, Edgar Degas et Camille Pissarro dans les années 1870. Le but de l’impressionnisme est de se dégager des contraintes du réalisme académiste rendu obsolète par la photographie popularisée par Daguerre à partir de 1839.

Les peintres impressionnistes se regroupent en colonies, font l’expérimentation de la peinture en plein air grâce à l’apparition du tube de peinture et proposent une approche différente de la réalité basée sur l’impression que produit la lumière sur un sujet. C’est ainsi que le sujet passe au second plan au profit de l’expérimentation picturale. Camille Lemonnier décrit cette entrée de la lumière dans l’art du paysage par ces mots « La lumière qui, dans la nature, fait vivre l’homme, les faunes et les végétaux, n’avait commencé à vivifier le paysage qu’avec Manet, Cézanne, Monet, Sisley, Pizzarro (…). Tout cela, certes, n’alla pas sans des critiques assez vives : on voulut y voir un art plus paradoxal que spontané : on parut regretter à la fois une perversion de l’optique usuelle et une altération du sens du paysage selon la tradition. ». L’impressionnisme vit ses belles années entre 1872 et 1886, date de la dernière grande exposition impressionniste.

La fin de l’impressionnisme poussera une nouvelle génération à travailler plus en avant l’expérimentation de la lumière dont Emile Claus qui importe l’idée du néo-impressionnisme en Belgique par le luminisme. Ce fut autour d’Emile Claus que le courant luministe va se structurer via le groupe « Vie et lumière » fondé en 1904. Léopold De Moor sera l’un des suiveurs de ce courant qu’il continuera à faire vivre dans les années 1920 alors que la scène artistique tourne son attention vers le cubisme.

Le courant luministe combine une écriture déliée, fractionnée et une palette ensoleillée tout en restant plus proche du sujet que l’impressionnisme français. L’art belge se montre ainsi plus conservateur que son homologue français qui s’inscrit à cette époque dans le fauvisme qui nie le réalisme pictural de la lumière en modifiant les couleurs visibles et en abrogeant la perspective.

La peinture de Léopold De Moor présente une trace matérielle de la manière dont fut appréhendé le champ de bataille et son patrimoine par l’art moderne. C’est pour cette raison que cette œuvre a été choisie, en dehors de ses qualités esthétiques, pour figurer dans notre nouvelle scénographie.

Bibliographie

 Lemonnier C, Emile Claus, Bruxelles, G. van Oest & cie, 1908.

Debbaudt Q, Cours d’Histoire de l’art III : de l’Impressionnisme au fauvisme IFAPME de Charleroi, 2022.

Sites internet

https://fr.artprice.com/artiste/151659/leopold-moor-de/lots/passes/1/peinture (consulté le 9 novembre 2022).

Quentin Debbaudt, Coordinateur scientifique du musée Wellington