Dans les années 60, à l’occasion d’une visite du directeur de la fabrique de Meissen, le musée Wellington reçut un Blücher à cheval.
Fabriqué après la Seconde Guerre mondiale, cette statuette représente bien la « porcelaine de Saxe » par sa finesse et son travail coloré. Cette appellation regroupe les productions de plusieurs manufactures allemandes de la région de la Saxe à partir du début du XVIIIe siècle. Notre musée expose plusieurs exemples de porcelaine de Saxe dont le service offert au duc de Wellington en 1818 par le Roi de Saxe Frédéric Auguste Ier, sujet que nous présenterons dans un prochain « Zoom sur la collection ».
La porcelaine de Saxe utilise le kaolin (argile blanche) qui provient des mines situées au nord-ouest de la ville de Meissen. Sa technique de fabrication qui demande une cuisson à 1200°, fut découverte en Chine au XIIème siècle. Les Européens à travers la route de la soie ont ramené cette porcelaine d’Orient qui se vendait très cher. De ce fait, des alchimistes tenteront d’en trouver la recette jalousement gardée secrète par l’Empire du Milieu.
Il faudra attendre le début du XVIIIème siècle pour que le mystère de l’ingrédient secret (le kaolin) soit percé par Frédéric Böttger (1682-1719) à Meissen. Par la suite, d’autres fabriques vont progressivement maîtriser cette nouvelle technique. En France, Sèvres, Niderviller ou encore Limoges se spécialiseront dans sa production tandis qu’en Belgique se développeront les fabriques de Tournai et de Bruxelles (Monplaisir à Schaerbeek).
Astuce, comment reconnaitre une porcelaine d’un biscuit ou d’une faïence? Placez votre objet près d’une source lumineuse. Si la lumière passe, c’est une porcelaine.
Notre Blücher à cheval provient de la Manufacture de Meissen, certainement la plus célèbre dont les pièces sont ornées de deux épées croisées. Cette fameuse marque, connue parmi les amateurs comme « l’étoile Marcolini » fut dessinée pendant la période de direction du Comte Marcolini-Ferreti (1739-1814) allant de 1775 à 1814. Cette marque est donc contemporaine de Wellington, Napoléon et… Blücher!
Blücher est ici représenté à cheval portant son uniforme de la campagne de 1815, coiffé de la casquette de la Landwehr. Sa main droite tient sa pipe tout en désignant une direction à ses troupes lançant probablement son « vorwärts » (en avant) lui valant son surnom de «Marschall Vorwärts»
Ce cavalier démontre l’importance du personnage de Blücher dans la culture germanique. Héros tutélaire de la nation allemande qui prend conscience d’elle-même suite à l’abolition du Saint-Empire Romain Germanique en 1806 pour devenir peu à peu, l’Allemagne. La nouvelle nation se créant par un processus d’unification complexe au cours du XIXème siècle aura besoin de se trouver des héros nationaux à l’instar de ce qui se faisait dans les autres pays européens. Blücher figure de la résistance à l’expansionnisme français rejoindra Frédéric II ou encore Hegel au panthéon national allemand.
Quentin DEBBAUDT,
Responsable des collections du Musée Wellington
Bibliographie
- Hoffmann K, Das weisse Gold von Meissen. Bern, Scherz, 1989
- Schneider K, Marcolini, oder wie man Günstling wird, Munich, Hanser, 2007
- Schweitzer J, « Mémoires, mythes et relectures de la bataille de Leipzig en Allemagne de 1813 à 1871 » in Revue d’Allemagne et des pays de langue allemande, 47-1, 2015, Pp. 185-194.
- Sonneman R, Wachtler E, Meissen: la découverte de la porcelaine européenne en Saxe: J. F. Bottger, 1709-1736, Paris, Pygmalion, 1984