Le masque mortuaire de Napoléon

Notre collection permanente présente une copie du masque mortuaire de l’Empereur Napoléon dans la salle éponyme.

Ce masque en plâtre mesure 34 cm de hauteur, 16 cm de largeur pour 15 cm de profondeur. Il est inventorié sous le numéro 16/001/a. Cet artefact est entré dans notre collection le 11 mars 2016 à la suite d’un achat fait auprès d’un collectionneur privé.

Sa présentation dans la salle Napoléon est pertinente car il constitue une trace matérielle de la détention de Napoléon à Sainte-Hélène qui est une résultante de la bataille de Waterloo. Le masque de Napoléon a fait couler beaucoup d’encre car il en existe plusieurs versions. La comparaison entre les masques n’entrant pas dans l’objet de cet article nous nous en tiendrons aux travaux de Louise Linden(1) et de Fernand Beaucour (2) pour considérer le seul modèle « Burton – Antommarchi » dont est issu notre masque.

Le 21 juin 1815, Napoléon battu le 18 juin à Waterloo, est de retour à Paris ou il est confronté à l’hostilité de la chambre des députés. Les manœuvres politiques orchestrées par Fouché et la lassitude de Bonaparte qui ne désire pas utiliser la force populaire pour s’imposer sur le trône le conduise à abdiquer en faveur de son fils, le 22 juin 1815.

L’ex-Empereur se met en route pour Rochefort ou il espère s’embarquer pour les Etats-Unis mais ce port est bloqué par la Royal-Navy. Commence alors une attente, faite d’incertitudes et de projets d’évasion, qui abouti à l’embarquement de Napoléon sur le HMS Bellérophon, le 15 juillet 1815.

Baugeau (artiste), Bovinet (sculpteur), transfèrement de Bonaparte du Bellérophon à bord du Northumberland, le 6 août 1815, Waterloo, Musée Wellington, 04/065/a.

l’île de Sainte-Hélène ou il sera détenu jusqu’à sa mort survenue le 5 mai 1821.

Sur l’île de Sainte-Hélène, le prisonnier le mieux gardé de l’histoire a comme médecin le Dr. Antommarchi car l’ex-Empereur ne souhaite pas être assisté par un médecin britannique. Antommarchi a été envoyé depuis l’Italie par Laetizia Bonaparte, mère de Napoléon et soigne le prisonnier depuis 1819. Néanmoins, si Antommarchi est un bon anatomiste, il se révèle un mauvais praticien et son art médical nuira plus au patient qu’il ne le soignera.

Ce 5 mai 1821, suivant une vieille tradition, il est décidé de confectionner un masque mortuaire pour saisir les traits exacts de l’ex-Empereur. A une époque où la photographie n’existe pas, ce procédé à tout son sens(3).

Il fallut néanmoins attendre 48h pour saisir l’empreinte du visage car le gouverneur Hudson Lowe traine pour donner son autorisation puis il fallut trouver du gypse que le médecin britannique Burton va chercher sur l’îlot de Georges-Island. Ces 48h vont rendre la prise de l’empreinte assez difficile car les chairs commencent à se ramollir.

Ce n’est que le 7 mai à partir de 16h que la prise d’empreinte fut réalisée par le Dr. Burton aidé du Dr. Antommarchi. Burton réalisa deux empreintes, de la face et de l’arrière du crâne. Le résultat fut médiocre et donnait un aspect repoussant au visage de Napoléon. Il fut décidé que le travail de réalisation d’un buste complet serait accompli en Europe. La comtesse Bertrand s’en mêla en souhaitant garder le buste facial ce que Burton accepta. Mme Bertrand avait pour intention de faire réaliser un buste complet par le sculpteur Canova. C’est donc la Comtesse Bertrand qui garda le seul exemplaire valable de l’emprunte impériale selon Watson (4). Burton ne conserva que l’empreinte crânienne mais la détruisit plus tard considérant avoir été joué par la comtesse Bertrand.

Antommarchi profitant de la vague napoléonienne suscitée par la monarchie de Juillet (5) va lancer une souscription afin de commercialiser sa version retravaillée du masque en 1833. De grands noms parraineront l’initiative du médecin comme le général Bertrand, le général Gourgaud ou encore le comte de Flahaut. Le modèle en bronze coûtait 100 francs, celui en plâtre revenait à 20 francs. C’est ce masque exposé aujourd’hui au château de Malmaison qui est devenu l’empreinte la plus répandue du visage de l’Empereur.

Magritte, L’avenir des statues, Duisburg, Lehmbruck-Museum, 1932.

Le masque de Napoléon bien que largement retravaillé était prêt pour entrer dans la légende napoléonienne. Symbole de l’exil et de l’emprisonnement de Napoléon, il assurera à ce dernier une rédemption posthume.   Projet caressé par l’ex-Empereur lui-même quand il confie au gouverneur Hudson Lowe : « Dans peu d’années votre Lord Castlereagh, votre Lord Bathurst, les autres, vous, vous serez ensevelis dans la poussière de l’oubli ; ou si on connaît ces noms ce sera par les indignités qu’ils auront exercés contre moi » (6).

Symbole matériel de l’emprisonnement de Napoléon, son décès et sa légende post-mortem, ce masque à donc toute son importance dans notre parcours scénographique.

Enfin, le masque est aussi entré dans la culture artistique belge avec le détournement qu’en fit René Magritte dans son tableau peint en 1932 nommé « l’avenir des statues » (7).

 

Quentin Debbaudt, Conservateur du Musée Wellington

[1] Linden L « Histoire des masques de l’empereur Napoléon Ier » in Revue du Souvenir napoléonien – 346, 1986, Pp. 2-9.
[2] Beaucour F, Tulard J (dir de) « Masque mortuaire de Napoléon (le) » in Dictionnaire Napoléon, Paris, Fayard, 1999, Tome 2, Pp. 285-287.
[3] En 1840, l’expédition du Prince de Joinville venue récupérer le corps de Napoléon a emporté un appareil photographique mais les mauvaises conditions climatiques et un regain de tensions politiques entre la France et la Grande-Bretagne feront oublier l’appareil à bord de la Belle-Poule ratant ainsi une occasion d’obtenir une représentation fidèle de Napoléon.
[4] Sur le sujet : Watson G, The story of Napoleon’s death mask, told from the original documents. London, John Lane, 1915
[5] La monarchie de Juillet est le nom donné au régime politique du royaume de France entre 1830 et 1848 sous le roi des Français Louis-Philippe.
[6] Cité par Lentz T, Bonaparte n’est plus !, Paris, Perrin, 2019, P. 47.
[7] Sur le sujet : Bornscheuer M, « L’avenir des statues » in Napoléon.org

Bibliographie

Beaucour F, Tulard J (dir de) « Masque mortuaire de Napoléon (le) », in Dictionnaire Napoléon, Paris, Fayard, 1999, Tome 2

Lentz T, Bonaparte n’est plus !, Paris, Perrin, 2019.

Linden L, « Histoire des masques de l’empereur Napoléon Ier » in Revue du Souvenir napoléonien – 346, 1986.

Watson G, The story of Napoleon’s death mask, told from the original documents. London, John Lane, 1915.

Sources Web

Bornscheuer M, « L’avenir des statues » disponible sur https://www.napoleon.org/histoire-des-2-empires/objets/lavenir-des-statues/ (consulté le 12 juillet 2024).