Le fer de lance français

Le Musée Wellington présente dans son exposition permanente, un fer de lance contemporain de la bataille de Waterloo inventorié sous le numéro 96/105/a.

Ce fer venait terminer la lance que portait le lancier afin de neutraliser l’adversaire. Sa hauteur est de 85 cm, à arête centrale sur chaque face, un poinçon est présent mais rendu illisible par le temps. Le fer a été remonté sur une lance plus petite au cours du XXème siècle afin de pouvoir l’exposer comme en attestent les vis modernes.

 

 
 

Les lanciers dans la Grande Armée

C’est en 1809 que Napoléon ordonne la création d’un régiment de lancier sur le modèle des cosaques dont il a pu apprécier la redoutable efficacité. Lors de la bataille de Wagram[1], les chevaux-légers polonais saisissent des lances de uhlans autrichiens et les retournent contre leurs propriétaires, c’est ce fait d’arme qui aurait achevé de convaincre l’Empereur d’adopter la lance dans sa cavalerie.

La lance sera attribuée aux cavaliers polonais, hollandais, du duché de Berg et Tartares de la Grande Armée mais des Français la porteront aussi. Une légende trop répandue voudrait que les Polonais aient chargé à la bataille de Somosierra[2] en 1808 avec des lances, pourtant le forcement des gorges gardées par les Espagnols se fera au sabre et non à la lance.

Néanmoins, les lanciers se distingueront en Espagne lors de la bataille d’Albuera du 16 mai 1811. Lors de cette bataille menée entre les Français et l’armée mixte Anglo-hispano-portugaise, les lanciers polonais de la Vistule détruisent la brigade britannique Colborn.

 

[1] Bataille opposant les Français aux Autrichiens les 5 et 6 juillet 1809, remportée par Napoléon.

[2] Bataille opposant les Français aux Espagnols pour le contrôle des gorges de Somossierra protégeant Madrid, le 30 novembre 1808. La victoire de Napoléon lui permet de prendre Madrid. 

 
La bataille d’Albuera par William Barnes Wollen, National Army Museum, 1912

Les lanciers à Waterloo

Les lanciers suivent l’Empereur dans ses campagnes et se retrouvent dans les rangs de la cavalerie française le 18 juin 1815. Les lanciers polonais constituent d’ailleurs la seule unité étrangère de la garde.

Les lanciers servent d’abord, avec les cuirassiers, à repousser la charge des dragons britanniques du général Ponsonby qui viennent de détruire une bonne partie des troupes de Drouet d’Erlon. Les lanciers prennent à revers les dragons et leur infligent de terribles pertes dont celle du général Ponsonby.

Ensuite, ils se trouvent impliqués dans les grandes charges du maréchal Ney. Selon le témoignage du général de Brack, repris dans Les carnets de la campagne, capitaine des lanciers rouges. Les lanciers auraient été entrainés malgré eux dans les charges car ils pensaient les Alliés défaits. Néanmoins arrivés à hauteur des carrés, ils déchantent et constatent leur impuissance face à une infanterie organisée « Nous traversons les batteries que nous ne pouvons ramener, tournons et menaçons les quarrés qui opposent une résistance des plus honorables. Plusieurs d’entr’eux ont un tel sang-froid, qu’lls font sur nous des feux de rangs. On dit que les dragons et les grenadiers enfoncent à notre gauche plusieurs de ces quarrés ; je ne l’ai pas vu, mas je puis affirmer que nous autres lanciers n’avons pas le même bonheur, et que nos lances se croisent inutilement avec les baïonnettes anglaises. Plusieurs de nos cavaliers, pour ouvrir les quarrés, jettent leurs armes comme des djérid[1] sur les premiers rangs »

Le lecteur pourra s’étonner du fait de lancer une charge de lanciers contre de l’infanterie ! Néanmoins le règlement de l’artillerie de campagne du général de Bardin précise que l’un des buts des lanciers est de terminer l’œuvre de l’artillerie quand cette dernière à désorganiser les carrés d’infanterie. Seulement, les charges n’ont pas été soutenue à temps par l’artillerie. On n’enverra qu’une batterie à pied de 12 livres qui peinant dans la boue arrivera bien trop tard selon de Brack !

 

[1] Javelot d’origine arabe.

Lanciers du panorama de la bataille de Waterloo.

Les lanciers après Waterloo

Après 1815, chaque armée européenne se dote de lanciers. En Belgique ce sera le 01er régiment de lanciers qui descend des Chevau-Léger « van der Burch ». En France on retrouve des lanciers jusqu’en 1914.

Les lanciers à cheval trouvent une fin tragique en 1939 lors de la campagne de Pologne quand les lanciers polonais chargent en vain les panzers allemands.

Néanmoins, leur allure impressionnante continue d’inspirer les créateurs à l’image de Louis-Jules Dumoulin qui les représente en 1912 en bonne place dans son « panorama de la bataille de Waterloo » toujours visitable sur le champ de bataille.

 

Hollywood s’en inspire également en restituant un combat aussi fictif qu’épique dans son Major Dundee par Sam Peckinpah (1965) dont l’action se déroule pendant l’expédition du Mexique sous Napoléon III. Par la suite, Sergueï Bondartchouk présente les lanciers comme le facteur décisif ayant repoussé la charge de Ponsonby dans son Waterloo (1970).

 

Bibliographie

Bardin, E-A (Général), Dictionnaire de l’armée de terre et recherches historiques sur l’art et les usages militaires des anciens et modernes, Paris, Perrotin, 1849.

Tondeur J-P, Courcelle P, Pattyn J-J, Megank P, Les vertes Bornes, les grandes charges de la cavalerie française – les carnets de la campagne No 5, Bruxelles, Éditions de la Belle-Alliance, 2002.