Une calotte gravée au chien dans notre collection

Cette année, le musée Wellington a reçu de Mme Colette Lamarche, ancienne directrice du Musée, un pistolet d’officier lui venant de son père, Mr. Yves Lamarche.

Ce pistolet sera placé dans la future salle des armes et servira à expliciter l’utilisation du système à silex mais aussi la symbiose entre l’art et la vie militaire à l’époque napoléonienne.

 

Description de l’objet

Le pistolet se présente comme un pistolet d’officier atypique des armées napoléoniennes. Il mesure 22,5 cm ce qui le fait se rapprocher des pistolets de gendarmerie par son volume, néanmoins le traitement de la crosse est très différent.

La platine est du modèle An IX corrigé. L’absence de signature sur la platine et de poinçons, nous pousse à penser qu’il s’agit d’un pistolet réalisé sur commande par un artisan.

Une recherche infructueuse a été menée dans les Armes à feu françaises modèles réglementaires[1] de Jean Boudriot, véritable référence pour l’amateur d’armes à silex et dans l’ouvrage Les pistolets de gendarmerie[2] de Henri-Charles Boulez. C’est une preuve supplémentaire après l’analyse matérielle que l’arme est issue de la fabrique d’un artisan car non-réglementaire. C’est un cas assez fréquent dans les armées de l’époque qui nous rappelle de ne pas être trop fixé sur la réglementation écrite pour comprendre le fonctionnement des armées de la Révolution et de l’Empire..

[1] Boudriot J, Armes à feu françaises modèles réglementaires : 1717-1836 (tome 1), Paris, Jean Boudriot, 1979.

[2] Boulez H.CH, Les pistolets de gendarmerie de 1770 à 1870, Bruxelles, MUPB, 1976.

La symbolique du chien dans l’art occidental

En 1789, Antoine Lavoisier (1743-1794) estime le nombre de chiens en France à 1.000.000 d’individus, chiffre qui ne cessera d’augmenter pour atteindre 3.000.000 en 1914[3]. Le chien tient donc une place incomparable dans la vie quotidienne de la société occidentale en cette fin du XVIIIème siècle. Néanmoins, sa représentation codifiée dans l’art occidental nous provient du Moyen-âge et c’est bien au cœur de la civilisation médiévale qu’il faut aller comprendre cette signification.

De nombreux symboles médiévaux trouvent leurs sources dans ce que les « Père de l’Eglise latine »[4] ont écrits.

Pour le chien, il faut lire la description qu’en fait Isidore de Séville (entre 560 et 570 à 636) « Rien n’a plus de flair que les chiens, car ils sont les plus intelligents de tous les animaux. Ils sont seuls à reconnaître leur nom ; ils aiment leurs maîtres. Ils en défendent les maisons ; ils s’exposent à la mort pour leurs maîtres ; avec lui, ils courent spontanément sur la proie ; ils n’abandonnent pas le corps de leur maître, même mort. Enfin leur nature veut qu’ils ne puissent vivre hors de la société des hommes »[5].

Le musée de Cluny rappelle dans sa notice consacrée à un élément de gisant en forme de chien que « Si le lion, symbole de force, de courage et même du Christ, accompagne les rois et les chevaliers, un chien ou un couple de chiens, animaux réputés pour leur fidélité, veille auprès des gisants féminins. »[6]

[3] Cité par Baratay, E. « Chacun jette son chien. De la fin d’une vie au XIXe siècle » in Romantisme, vol. 153, no. 3, 2011, pp. 147-162.
[4] Pères de l’église latine selon la définition du Larousse « Anciens écrivains chrétiens qui, par leurs œuvres, la valeur de leur doctrine, font autorité en matière de foi. »
Le titre de « Pères de l’Église » a été attribué à certains auteurs chrétiens qui ont : 1. vécu durant les premiers siècles du christianisme ; 2. vécu en état de sainteté ; 3. professé la doctrine chrétienne dans leurs écrits ; 4. reçu l’approbation de l’Église.
[5] Isidore de Séville, Étymologies, XII, Des animaux, 2, 25-26, éd. par Jacques André, Paris, Belles Lettres, 1986, p. 110-111.
[6] Note d’inventaire Cl. 19300.

N’est-ce pas un rapport troublant avec la mentalité des soldats de la Grande Armée, combattant pour la gloire de l’Empire ?

Néanmoins, face à ce portrait canin flatteur, le chroniqueur Grégoire de Tours (538 ou 539 à 594) précise que les francs ne veulent pas mourir « comme des chiens »[1], nous éclairant ainsi d’une vision plus nuancée sur le chien.

Ainsi, les officiers de l’Empereur quoique tenant d’une culture extrêmement attachée à l’Antiquité utilisent un jargon symbolique issus de la chevalerie. Nouveaux chevaliers d’un successeur de Charlemagne, ceux-ci suivront leur Empereur avec une fidélité et un dévouement exemplaire. Ils répètent à Waterloo ce que firent leur lointain prédécesseur à Azincourt[2] , venant expier[TJf1]  sur les solides défenses Britanniques !

 

Conclusion

Étudier la représentation animale à travers l’Histoire nous offre donc la possibilité de mieux comprendre l’Histoire humaine mais aussi l’Histoire de notre environnement.

Comme l’écrit Eric Baratay à propos de la  « la vie animale », celle-ci est un « comme acteur influençant profondément les individus, voire leur société»[3]

C’est pourquoi, une exposition inspirée par l’histoire d’une espèce animale devrait voir le jour fin 2024 au musée Wellington.

 


[2] La bataille d’Azincourt se déroule le 25 octobre 1415 près du village d’Azincourt dans le Pas-de-Calais. Cette bataille de la guerre de Cent Ans se conclut par la victoire des troupes du Roi d’Angleterre d’Henri V sur les troupes françaises supérieures en nombre et en chevaliers. Une mauvaise coordination, une charge inadaptée et un terrain propice à la défense font penser à Waterloo, 400 ans plus tard.

[3] Idem 3.

Quentin Debbaudt, Coordinateur scientifique du Musée Wellington

Bibliographie

 

Baratay, E. « Chacun jette son chien. De la fin d’une vie au XIXe siècle » in Romantisme, vol. 153, no. 3, 2011, pp. 147-162.

Boudriot J, Armes à feu françaises modèles réglementaires : 1717-1836 (tome 1), Paris, Jean Boudriot, 1979.

Boulez H.CH, Les pistolets de gendarmerie de 1770 à 1870, Bruxelles, MUPB, 1976.

Grégoire de Tours, Libri historiarum X, III, col. 14, éd. par Bruno Krusch, Hanovre, 1951.

Rosenblum R, Bouniort J, Le chien dans l’art: du chien romantique au chien post-moderne. Biro, 1989.

Isidore de Séville, Étymologies, XII, Des animaux, 2, 25-26, éd. par Jacques André, Paris, Belles Lettres, 1986

 

Source en ligne

 

Musée de Cluny, notice d’inventaire Cl. 19300 (consulté le 25 septembre 2023) https://www.musee-moyenage.fr/collection/oeuvre/elements-de-gisant-chiens.html.